mercredi 15 octobre 2008

A propos de liberté d'expression... Lettre à M. William Vidal, PDG d'ECOCERT

Monsieur le Président,

on m'a rapporté que vous vouliez que soit supprimée la bannière du Collectif des salariés et ex-salariés d'Ecocert figurant sur le net, Collectif créé lors de la journée mondiale pour un travail décent, le 7 octobre dernier, au motif, je crois, qu'elle reprend le logo de l'entreprise.

Vous avez mon mail et je vous redonne mes coordonnées téléphoniques personnelles : 06 11 40 87 64 ou 09 61 21 71 96.
Je pourrais même venir vous rencontrer si vous le souhaitez pour que nous en parlions directement.

J'ai néanmoins le regret de vous faire savoir que rien ne vous autorise à vous opposer à cet usage qui n'a rien de commercial et je tiens à votre disposition quelques exemples de jurisprudence en la matière.

Ce "détournement", si c'est ainsi que vous le jugez, entre dans le cadre de la liberté d'expression et de critique d'employés que vous maltraitez ou avez maltraités par le passé et qui ont décidé de ne plus se taire pour qu'à l'avenir d'autres salariés puissent - peut-être, espérons-le - bénéficier de meilleures conditions de travail au sein de votre entreprise.

Vous pouvez par contre estimer diffamatoires les informations qui sont données concernant les nombreux procès avec vos salariés, les grèves pour tenter d'obtenir des salaires plus décents, le stress et les dépressions engendrées, le "turnover" si important qu'il donne une sensation désagréable d'employés "jetables"... comme vous avez contesté, lors de mon entretien de licenciement, le bas niveau des salaires de l'entreprise.

Vous m'avez d'ailleurs écrit m'avoir déjà attaqué pour diffamation à la suite des mails d'appel à la résistance que j'ai envoyés aux salariés d'ECOCERT, à la CGT du Gers et aux deux présidents des Comités du label Eve, pour réagir aux licenciements inacceptables de Fleur Cosnuau et de notre directrice qualité France.

Vous avez aussi immédiatement fermé ma boite mail d'entreprise.

Et surtout, vous avez convoqué, très peu de temps après, un ensemble de salariés cadres et non-cadres en réunion extraordinaire pour leur faire connaître ma mise à pied, la procédure de licenciement pour faute lourde que vous engagiez contre moi et le dépôt d'une plainte en diffamation auprès "des services de police et de la Préfecture" (je reprends les termes qu'on m'a rapportés, peut-être inexacts).

Cela suffirait à montrer que vous vous opposez foncièrement à toute liberté d'expression et que vous utilisez l'intimidation pour décourager tous ceux qui auraient velléité de "discuter" vos positions ou vos décisions.

Or, nous entendons vous rappeler que, d'une part celle-ci est un droit imprescriptible - que l'on s'attend pour le moins à voir appliquer mieux qu'ailleurs dans une entreprise qui fait du respect de l'Homme et de l'environnement sa pierre angulaire (c'est d'ailleurs pour cela que le Collectif a repris ce "slogan" de l'entreprise auquel il adhère totalement) - et que, d'autre part, le dialogue, si vous le considériez dans un cadre de management humain, progressiste et responsable, serait indéniablement un atout important du développement de votre entreprise, d'autant qu'elle intervient sur des aspects sociaux-économiques complexes, en pleine évolution, et emploie des salariés de haut niveau (un très grand nombre d'ingénieurs), pour la plupart jeunes, pleins d'idées et très motivés.

Je ne peux faire mieux pour vous redire mon souhait profond - depuis toujours - de pouvoir établir avec vous un dialogue constructif.

Mais quand je vous entends, lors de mon entretien de licenciement pour "faute lourde", me dire à mi-mot que vous accepteriez peut-être de prolonger le travail en commun à condition d'être sûr que "je ne vais pas recommencer", j'ai le sentiment que nous ne sommes pas sur la même longueur d'onde.

Ce faisant, j'entends vous rappeler également que j'assume, à titre de délégué syndical, l'entière responsabilité de cette prise de parole souhaitée par un grand nombre de salariés que vous maintenez dans la peur et qui ne veulent donc pas s'exprimer par crainte de représailles.

C'est la raison pour laquelle notre Collectif est pour le moment anonyme et, néanmoins, n'a pas réussi à mobiliser beaucoup parmi les salariés en poste, craignant - à juste titre - d'être licenciés. Il le fera sans doute plus facilement parmi les très nombreux - et pour cause - anciens salariés, encore que la plupart souhaitent plutôt tourner la page et oublier, on ne peut pas vraiment leur en vouloir.

Je vous prie de recevoir, Monsieur le Président, l'expression de mes sentiments les plus cordiaux,


Philippe Hirou
Chef du service Espaces verts écologiques (Eve)
Délégué syndical CGT de ECOCERT France SAS
Porte parole du "Collectif ECOCERT"

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